Ils savent parfaitement que les raids ne servent à rien, si ce n'est à attirer de nouvelles jeunes recrues pour le mouvement de résistance palestinien du mois : Lion's Den, les Brigades de Jénine ou tout autre mouvement de résistance palestinien du mois. Mais ce sont des soldats des FDI et ils doivent avoir l'air de faire quelque chose contre la "menace terroriste", alors ils sortent les tondeuses à gazon.

Le raid de Jénine n'est même pas très important, même si les frappes aériennes sont nouvelles. La première bataille de Jénine, lors de la seconde Intifada en 2002, avait été bien plus importante (23 Israéliens tués, 50 Palestiniens tués). Mais on soupçonne généralement que cette bataille particulière fait partie d'un plan beaucoup plus vaste.

La politique israélienne peut parfois réserver des surprises, mais pas cette fois-ci. Elle est aussi prévisible qu'une pièce de théâtre nô s'acheminant vers sa conclusion tragique. En fait, elle est si facile à prédire que c'est exactement ce que j'ai fait ici même il y a quatre mois. Avec votre indulgence, voici à nouveau les prédictions.

1. Le Premier ministre Binyamin "Bibi" Netanyahou n'ira pas en prison.

2. L'indépendance du système judiciaire israélien sera détruite. Les décisions des juges seront soumises au veto des hommes politiques. (C'est pourquoi Bibi restera libre).

3. Il y aura une "troisième Intifada", qui entraînera la mort de milliers de Palestiniens et de dizaines, voire de centaines d'Israéliens.

4. Le nouveau gouvernement israélien ne s'efforcera pas officiellement d'éviter ce désastre, parce qu'il distraira suffisamment l'opinion nationale et internationale pour permettre une très forte expansion du projet de colonisation juive en Cisjordanie occupée.

5. Ni les États-Unis ni les nouveaux amis arabes d'Israël (les "accords d'Abraham" et tout le reste) n'exerceront de pression majeure sur le gouvernement de Netanyahou pour empêcher que cela ne se produise. Ils ont tous deux d'autres chats à fouetter.

6. Il n'y aura pas de guerre civile. Comme l'a écrit Anshel Pfeffer la semaine dernière dans Ha'aretz : "Malgré tous les problèmes d'Israël, la vie y est encore trop belle, pour toutes les communautés israéliennes, pour risquer une guerre civile. Perdre ce qui reste de la démocratie fragile et limitée d'Israël sera un coup terrible pour de nombreux Israéliens, peut-être même pour la plupart d'entre eux, mais cela ne vaudra pas la peine d'entrer dans une véritable guerre".

Alors, qu'en est-il ? Netanyahou est toujours libre et le restera tant que sa coalition avec la droite religieuse et les partis de colons survivra. Avec leur soutien, il renouvelle sa tentative de "réviser" (c'est-à-dire de neutraliser) la Cour suprême d'Israël, après que de nombreuses semaines de manifestations massives l'ont contraint à suspendre le projet en avril.

M. Netanyahou court toujours le risque d'être condamné pour corruption dans le cadre de son procès pénal en cours, de sorte que sa priorité absolue est de s'assurer que son gouvernement obtienne le droit de passer outre toute décision de justice à son encontre. C'est la raison pour laquelle il a passé un accord avec les colons extrémistes, mais il faudra aussi une guerre : la "troisième Intifada".

Les grandes confrontations militaires avec les "terroristes" distraient un grand nombre de personnes qui, autrement, pourraient recommencer à protester contre l'étranglement de la démocratie israélienne, et servent donc les objectifs de Netanyahou. Ils servent également l'agenda des colons qui veulent s'emparer de toujours plus de terres palestiniennes, ce qui est plus facile à faire lorsque les Palestiniens et les Israéliens sont occupés à s'entretuer.

Le ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, le plus ancien colon du cabinet de M. Netanyahou, appelle à "une opération militaire pour démolir les bâtiments, exterminer les terroristes - pas un ou deux, mais des dizaines et des centaines, si nécessaire des milliers". Les "jeunes des collines", comme on appelle les justiciers juifs de Cisjordanie, fourniront les provocations et les FDI se chargeront des évacuations.

Tel est le plan, et jusqu'à présent, tout se passe bien. Le président Biden désapprouve fortement les fréquentations de M. Netanyahou, mais il ne va pas gaspiller son capital politique limité en essayant de protéger les Palestiniens. Les "ennemis" arabes d'Israël (l'Égypte et les pays du Golfe) ne sont pas non plus prêts à se battre, même si les relations se refroidissent rapidement.

Une guerre civile va-t-elle éclater parmi les Israéliens ? Bien sûr que non. Anshel Pfeffer a toujours raison : laïques ou religieux, de droite ou de gauche en perte de vitesse, ils ont tous la vie trop belle.

Et tout cela finira-t-il par se terminer dans les larmes ? Bien sûr que oui. Mais pas tout de suite. Et probablement pas avant un bon moment.

Prédire tout cela n'exigeait ni connaissances particulières ni don de prophétie. C'était pratiquement écrit sur les murs, et tous ceux qui étaient attentifs le savaient depuis quatre mois. Les gens ne voulaient tout simplement pas l'entendre, et ils ne veulent toujours pas l'entendre.


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Gwynne Dyer is an independent journalist whose articles are published in 45 countries.

Gwynne Dyer