Alors pourquoi aurait-elle accepté un cessez-le-feu qui n'est pas permanent ?
Le Premier ministre israélien, Binyamin Netanyahou, était et est toujours absolument déterminé à poursuivre la guerre. Il a déclaré samedi qu'avec ou sans cessez-le-feu, "nous entrerons dans Rafah et nous éliminerons les derniers bataillons du Hamas". Son poste et peut-être même sa liberté dépendent de la poursuite de la guerre, même en cas de cessez-le-feu temporaire.
Mais Israël ne peut pas non plus forcer le Hamas à se contenter de moins qu'un cessez-le-feu permanent. Le Hamas ne dépend pas d'un soutien extérieur et il peut continuer à se battre depuis ses tunnels aussi longtemps que nécessaire, en faisant relativement peu de dégâts, mais en rendant impossible toute forme de paix stable.
Il n'y a qu'une seule puissance extérieure qui pourrait imposer un cessez-le-feu : les États-Unis. Toutefois, tant que Joe Biden s'accrochera à sa loyauté inconditionnelle envers Israël, quel que soit son comportement - et même quelles que soient ses perspectives de réélection en novembre prochain -, Netanyahou restera libre de saboter toute proposition de cessez-le-feu.
Nous voilà donc en situation de guerre permanente. À l'exception du vieil adage qui dit que si l'on peut dire de manière plausible "Cela ne peut pas durer éternellement", alors il faut logiquement que cela prenne fin un jour. Ce jour-là, il faudra que l'un de ces trois hommes change d'avis : "Bibi" Netanyahou, le chef du Hamas Yahya Sinwar ou Joe Biden.
Sinwar est vraisemblablement toujours en vie dans les tunnels sous Rafah. Il est désormais le chef incontesté du Hamas : le succès retentissant de sa stratégie consistant à massacrer des civils israéliens dans leur lit, qui a poussé Israël à une invasion massive de la bande de Gaza, signifie qu'il n'a plus à s'en remettre à l'avis des hauts responsables du Hamas en exil au Qatar.
Son attaque a déjà fait échouer l'alliance israélo-arabe prévue dans les "accords d'Abraham" de Donald Trump. Il lui reste à rétablir la position de domination politique absolue du Hamas dans la bande de Gaza, et pour cela il a besoin d'un cessez-le-feu permanent accompagné d'un retrait total d'Israël de ce territoire.
C'est ce qu'il a exigé sans relâche lors de chaque négociation en vue d'un cessez-le-feu, et on voit mal pourquoi il changerait d'avis.
Il y a ensuite "Bibi" Netanyahou, dont la carrière politique aurait dû s'achever dans la disgrâce il y a sept mois, lorsqu'il n'a pas su prévoir et empêcher l'attaque dévastatrice du 7 octobre contre Israël. Véritable magicien de la politique, il a manipulé l'indignation populaire suscitée par les attentats pour en faire un soutien à une guerre de vengeance - toujours menée par lui - contre les auteurs de cette atrocité.
M. Netanyahou risque également d'être condamné pour corruption et même d'être emprisonné s'il perd son poste, sans parler d'une enquête officielle sur ses actions d'avant-guerre qui détruirait ce qu'il reste de sa réputation. Ce n'est pas un homme qui agira dans l'intérêt supérieur de la nation ; il s'accrochera au pouvoir à tout prix.
Pour rester au pouvoir, Bibi doit poursuivre la guerre au moins jusqu'à une certaine "victoire", et il ne peut donc pas faire de compromis avec les exigences du Hamas. C'est pourquoi il est actuellement déterminé à attaquer Rafah, la dernière ville relativement intacte de Gaza. Ce n'est pas Stalingrad, mais symboliquement, cela sert bien ses objectifs.
Il ne reste donc plus que Joe Biden pour mettre fin à cette guerre, et il pourrait certainement le faire s'il le souhaitait. Israël est tellement dépendant des armes, de l'argent et même du soutien militaire direct des Américains (comme lors de l'abattage récent de la quasi-totalité des missiles iraniens lancés sur le pays) qu'il ne pourrait pas dire non.
Une intervention américaine imposant un cessez-le-feu permanent n'entraînerait pas seulement la chute de Netanyahou. (Elle devrait inclure la mise à l'écart du Hamas, la création d'un État palestinien indépendant à Gaza et en Cisjordanie, ainsi que des garanties de sécurité américaines pour tous les pays de la région.
La nostalgie de M. Biden pour un Israël plus ancien explique sans doute sa réticence à intervenir, mais tout président américain sain d'esprit hésiterait à prendre un engagement aussi énorme et risqué. Cela pourrait facilement lui exploser à la figure, et il n'y a pas de gratitude en politique.
D'autre part, la non-intervention ne fait que prolonger la guerre et accélérer l'érosion du soutien politique de M. Biden dans son pays. Lorsque l'on est confronté à un choix entre "damned if you do it" et "damned if you don't", l'action est parfois la meilleure solution.
Gwynne Dyer is an independent journalist whose articles are published in 45 countries.